L´école est
l´aube d´une ère nouvelle
La
scolarisation des enfants Gitans
à Perpignan
et ailleurs (Hambourg/Hessen)
Par
Baya Maouche
Présenté le
6 juillet 2009
Sommaire
Avant propos: Egalité des
chances et discrimination - Approche sémantique
Introduction
1.
La sociologie de l´école et la question de
l´égalité des chances. De la macro à la microsociologie
1.1 L´héritage culturel: La réussite scolaire
dépendant de l´origine sociale
1.2 L´individualisme méthodologique
1.3 Nouveau regard sur les inégalités
scolaires:L´ouverture de la boîte noire
1.4 Vers une sociologie du lien pédagogique
1.5 Critique
des nouvelles pédagogies
2. Méthodologie utilisée
3. Présentation du terrain
de recherche: La Miranda - Le quartier Saint-Jacques
3.1 L´environnement de l´école
3.2 Présentation du projet expérimental
3.3 Rôle du chef d´établissement
3.4 Une équipe pluridisciplinaire
4. Analyse des
représentations des enseignants
4.1 Les représentations concernant la culture gitane
4.2 Le mythe de l´enfant-roi
4.3 Des enfants a-scolaires
4.4 Des enfants fragiles
4.5 Ecart entre la culture Gitane et la culture Française
4.6 Déficitaires sur le plan du langage
4.7 Représentations concernant les parents Gitans et leur attitude
vis-à-vis de l´école
4.8 Les postures des enseignants
4.8.1 Le conseil des élèves: apprentissage de la démocratie
4.9 Réflexions concernant la Miranda
4.9.1 Compétences des enseignants
4.9.2 Motivation pour le poste
5. Pour le respect de
l´identité des Gitans
5.1 Critique des réponses scolaires
5.2 Pour la valorisation de la culture Gitane
5.2.1 Une culture en miettes
5.3 Penser l´interculturel - Réflexions concernant la place de la culture
Gitane à l´école
6. Compte-rendu des visites
effectuées en Allemagne (Hambourg, Hessen)
6.1 Hambourg, ville de la Hanse
6.2 Les Roms et Sintes à Hambourg: Garder la mémoire
6.3 Des parents politisés et conscients de leur situation précaire
6.4 Le modèle Hambourgeois
6.5 Visite de certaines écoles à Hambourg
6.5.1 Ganztagsschule Sankt-Pauli
6.5.2 Förderschule Carsten-Rehder-Straße
6.5.3 Schule Ludwigstraße
6.6 Arbeitskreis Roma-Lehrer und
Sozialarbeiter
6.7. Le modèle du Land Hessen
6.7.1 Schaworalle „Salut les enfants“ à Francfort/Main
6.7.2 Situation géographique de l´école
6.7.3 “L´école” Schaworalle
6.7.4 Une équipe internationale
6.8. D´autres types de scolarisation des enfants Roms et Sintes dans le
Land Hessen
Conclusions
Bibliographie
Avant-propos
Egalité des chances et
discrimination dans le domaine scolaire: une polyphonie complexe
Dans le cadre du DU Egalité des chances et discriminations je me suis
limitée à définir quelques termes et à
esquiver des questions ;
S´il existe un consensus sur le
terme de l´égalité, par contre la notion d’Egalité des chances nous donne des difficultés à
comprendre de quoi il s´agit exactement. L´égalité des chances est une notion
en vogue, devenue presque une rhétorique, un label insignifiant. Il faut en
préciser le contenu et la relevance dans le domaine scolaire ; en effet,
expression polyphone, elle prête à
confusion.
Quel sens donner à la chance dans l´éducation? Le dictionnaire étymologique
Lexis nous propose une première approche. Le sens classique de chance vers 1100
est “dat.pop cadentia, chute des dés, de cadere tomber. “ On pourrait penser en
lisant ceci qu´il s ´agit d´un jeu hasardeux, le système scolaire serait en
bien mauvais état si l´éducation devenait un jeu de hasard.
Le sens évolue vers 1200 : “ensemble de circonstances heureuses, sort
favorable”[1] Une bonne occasion, une bonne
opportunité, l´école devrait dans cette perspective proposer aux enfants de
bonnes opportunités pour apprendre, créer de bonnes occasions pour évoluer dans
les connaissances, c´est à dire la réussite scolaire et l´épanouissement de
tous les enfants qui lui sont confiés.
La réussite scolaire nous renvoie à la finalité et aux objectifs de
l´éducation; or ces finalités ne font plus aujourd´hui consensus.
Comment dans ce cas définir la réussite scolaire?
Troger Vincent propose quatre définitions de la réussite scolaire
1.
Un seuil minimal commun d´instruction à
tous les citoyens d´une même société: un socle commun, selon l´expression de Valéry Giscard d´Estaing[2],
une sorte de SMIC culturel.
2.
Une réussite scolaire serait une
instruction qui permettrait l´épanouissement des potentialités de chacun(e) et
les besoins de chacun(e), l´épanouissement de l´enfant, de l´individu.
- L´égalité des chances comme l´accès aux statuts
socioprofessionnels les plus enviables.
- La réussite scolaire de l´école républicaine:
“l´élitisme républicain” préserver l´excellence afin de conserver le
patrimoine culturel de la civilisation européenne dont les élites doivent transmettre l´héritage.
En résumé il y a quatre définitions possibles à ce
terme d´egalité des chances, qui mèneraient à des situations mêmes paradoxales,
contraires à l´idée de l´école démocratique.
-
le socle
commun : tous les individus d´une société devraient être en mesure d´atteindre
ce niveau scolaire. Tous les efforts de l´école seraient concentrés sur ce
point, ce qui pourrait avoir pour conséquence qu´on néglige “ l´excellence”,
“l´élite”, pour se tourner vers la “médiocrité”.
-
l´épanouissement
des capacités individuelles de chacun : ceci demanderait un énorme investissement et une différenciation du
système scolaire afin de reconnaître et d´épanouir chaque talent.
-
la réussite
professionnelle est liée au fait que l´école puisse garantir effectivement une
ascension sociale et fonctionner comme “ascenseur social”, ce qui est
momentanément pas du tout le cas. Il y a une diplomation inflationnaire ;
il faut évidemment pouvoir travailler beaucoup plus pour les filières
prestigieuses ; l´école aurait une fonction sélective.
-
l´accès
à l´excellence culturelle : c´est une conception élitaire de l´école,
former les élites intellectuelles ; mais ceci irait à l´encontre de l´idée
de la démocratisation de l´institution scolaire.
Ainsi l’expression « Egalité des chances » poserait non seulement
la question de la réussite scolaire de chaque individu aussi bien dans la
conception d´un socle commun que dans la
question des possibilités d´épanouissement des capacités intellectuelles de
chacun de nous.
Il y a trois définitions de l' intelligence qui dominent le débat
pédagogique. D´où résultent trois conceptions différentes de l´égalité des
chances:
Le facteur explicatif essentiel retenu
est qu’il existe des différences au niveau des capacités intellectuelles
de chacun, l´inné entrant en interaction avec l´environnement (intelligence
innée).
Dans ce sens l´égalité des chances c´est faire en sorte de donner à tous ceux qui ont des
aptitudes une chance, une possibilité de les réveler: il suffit d´un accès égal
à la scolarité commune.
Une autre position définit l´intelligence comme un construit psycho-social
associé à des facteurs subjectifs de réussite scolaire, comme la motivation,
l´estime de soi, l´effet pygmalion.
Dans ce cas, l´intelligence est le fruit de la conjonction de trois
facteurs: milieu familial et social, éducation favorable à l´épanouissement de
la personnalité et un milieu scolaire bienveillant (intelligence acquise).
L´égalité des chances serait ainsi “la discrimination positive“ :
(ZEP: Zone d´éducation prioritaire) donner plus à ceux qui en ont le plus
besoin pour accéder à la réussite scolaire.
Une ultime position favorise une intelligence multiple logico-mathématique,
verbale, spatiale, sociale, intuitive ou pratique ( Intelligence(s)
multiple(s)).
Du point de vue de l´intelligence
multiple, l´égalité des chances c´est donc offrir au sein de l´école des
contenus et des méthodes qui permettent d´épanouir chacune des formes
différentes de l´intelligence. Un programme très ambitieux si on prend en
considération la crise de l´ institution scolaire.
“La science sait trop de choses pour que nous puissions en rester à la
seule conception d´une distribution naturelle des talents, elle n´en sait pas
assez pour nous dire comment interagissent vraiment la génétique et
l´environnement au cours de la vie d´un individu”[3]
Le débat sur la réussite scolaire est basé sur deux visions différentes de
la société et de la finalité de l´école, même si les protagonistes sont d´accord sur le fait que
l´école doive donner les mêmes chances de réussite aux enfants de tous les
milieus sociaux. Nous avons d´un côté le souci de la préservation de l´excellence scolaire
(école républicaine) et de l´autre l´épanouissement des potentiels individuels.
Tous parlent au nom de l´égalité des chances ; en fait c´est un
dissens profond sur la finalité de
l´école et la liberté individuelle provenant d´une divergence dans la
conception d´une utopie de société.
Il faut donc dépasser le niveau de la pure rhétorique ”égalité des chances”
. Pour Philippe Meirieu, il s´agit ainsi de défendre le droit à l´éducation, un droit fondamental de
l´Homme que l´Etat doit garantir: il souligne ironiquement que pour “L´égalité des chances, il y a la Française
des jeux pour ça. Le droit à l´éducation, c´est un des droits de l´Homme
fondamentaux que l´Etat doit garantir, et pour lequel nous devons nous battre
pour les prochaines échéances électorales et bien au-delà...”[4]
De la discrimination
La France offre l’image d’une société plurielle avec une volonté d’intégration, “La France de la
diversité”, la mise en œuvre de moyens financiers, équipements et constructions
de lieux de culte. Beaucoup de mesures ont été prises pour que les notions
républicaines fondamentales “liberté-égalité-fraternité” deviennent des valeurs
intangibles.
A la fin du dix-huitième siècle, la
Révolution Française a proclamé les Droits de
Homme et aboli l´esclavage, mais il a fallu attendre le milieu du
vingtième siècle pour qu´effectivement les traces du commerce triangulaire “la
traite des noirs” (Sarda Garriga abolit l’esclavage à l’île de la Réunion vers
1960 – le « Code noir » sous Louis XIV concentre les articles
régulant la vie des esclaves noirs dans les colonies Françaises) disparaissent.
Dans ce même vingtième siècle, siècle des totalitarismes , des
génocides furent perpétrés par Hitler et ses collaborateurs ailleurs en
Europe durant la seconde guerre mondiale , mais aussi dans l´Afrique
post-coloniale (Rwanda).
Le combat d’Abraham Lincoln au XIXe siècle, puis celui du Révérent Martin
Luther King contre les discriminations raciales au XXe siècle aux Etats-Unis
rappellent que” la ségrégation raciale,
la xénophobie , la violence “ sont des phénomènes sociaux à caractère
récurrent.
Bien sûr d’autres courants de discrimination persistent de façon ingérable
en France. Certaines populations gitanes
et maghrébines ont encore du mal à
s’adapter à la culture de leur pays d’accueil sous couvert de
« discrimination raciale» et du « caractère non permissif »
de la France quant à la pratique de leur culture.
La volonté institutionnelle de
lutter contre toutes les formes de discrimination dans la société trouve son expression dans la
HALDE.
Ainsi, dans l´engagement contre les diverses formes de discriminations, il
m´apparait insuffisant de définir la discrimination seulement à travers le
dictionnaire Larousse: ”distinguer, point de séparation”. Ceci n´ apporte pas grand chose dans la
sensibilisation pour la thématique de l´exclusion ; par contre, d´un point
de vue contemporain, La HALDE - Haute Autorité de Lutte contre la Discrimination et pour l´Egalité - dans un
contexte de société moderne, nous
propose une définition juridique qui peut devenir opérante dans la lutte
contre les discriminations :
-
“discrimination:
une perception, un traitement de l´autre en ne respectant pas l´égalité”
-
“les
discriminations peuvent notamment se manifester à l´embauche, dans l´emploi,
pour l´accès à un logement ou à un lieu public, pour l´accès à des biens et
services. Elles peuvent se traduire par un harcèlement moral et sexuel.”
En termes juridiques les critères prohibés par la loi sont “l´origine, le
sexe, la situation de famille, l´apparence physique, le patronyme, l´état de
santé, le handicap, les caractéristiques génétiques, les moeurs, l´orientation
sexuelle, l´âge, les opinions politiques, les activités syndicales,
´appartenance ou la non-appartenance vraie ou supposéeà une ethnie, une nation,
une “race” ou une religion déterminée.” Article 225-1 du code pénal.
Egalité des chances - Echec
scolaire et discrimination
Est-ce que cette définition est “sensée”
accouplée au terme de l´égalité des chances dans le domaine scolaire ?
Si on prend connaissance du refus des enseignants[5] à se former dans ce domaine (la
discrimination), on pourrait supposer
que ce groupe professionnel a du mal à se poser cette question.
Rappelons brièvement que nous avons traduit égalité des chances par
réussite scolaire, définie comme pouvant être:
-
SMIC
culturel /socle commun accès démocratique à ce socle.
-
épanouissement
de toutes les facultés intellectuelles et affectives de l´individu
-
élite
républicaine définition de l´intelligence innée,acquise ou multiples.
La réussite scolaire ainsi comprise, nous pouvons donc estimer qu´il y a
discrimination lorsque des enfants échouent et n´atteignent pas le socle
commun, quittent l´école sans savoir écrire, lire et compter correctement, sont
en situation d´illétrisme, lorsque l´individu ne peut pas développer ses
facultés créatives et intellectuelles ou quand l´école républicaine ne produit
plus d’ « élite » capable de conserver les valeurs culturelles
européennes - seules des évaluations sérieuses
pourraient mettre en évidence cet échec.
Il ne faut pas oublier non plus d´analyser les raisons de l´échec scolaire.
Elles peuvent être d´une nature objective: manque de moyens pédagogiques à
disposition des écoles, manque de formation et de qualification des
enseignants, et aussi être recherchées dans les représentations des enseignants
concernant les élèves et tout simplement le manque d´assiduité des élèves,
manque de motivation pour des
apprentissages classiques.
Un terme provenant de l´Anglais
(Américain) a envahi entre temps le langage des sociologues mais aussi des
médias. On parle d’“affirmative action : discrimination positive”.
Que penser de l´”affirmative action”, de la “discrimination positive”? Faire une différence positivement parlant?
Faire “réparation”? La traduction de la formule anglo-saxonne “affirmative
action” part d´un comportement, d´une attitude; il s’agit d’une action
consistant à “réparer, en quelque sorte, d´une condition considérée défaillante
par rapport aux règles établies”[6]
Etablir l´équité dans le domaine scolaire ou corriger des situations qui
pourraient atteindre le droit de chaque individu et l´accès égal à l´éducation
serait aujourd´hui la création de ZEP ou le RAR, avec les résultats peu
satisfaisants que nous connaissons (donner plus à ceux qui ont en le plus
besoin). Favoriser les couches sociales défavorisées sur le plan éducatif.
“La notion de discrimination suppose une conduite sociale où la réalisation
de l´équité est empêchée” écrit Antigone Mouchtouris[7] car il s´agit bien d´éthique et non pas
seulement de juridisme, de la façon dont nous allons vivre ensemble et de la
manière avec laquelle nous traitons l´altérité (l´autre soi-même ou rapport de
domination).
Où se situe alors la discrimination dans le domaine éducatif ? Antigone
Mouchtouris propose trois domaines[8]:
-
dans
la gestion de l´application de la loi
-
dans
l´interprétation qu´on peut en faire
-
dans
la constatation de l´absence d´un état d´esprit où s exprime la notion
d’équité.
La discrimination est un rapport de domination.
Un état d´esprit encore
virulent:l´antitziganisme
“L´antitziganisme”[9], une forme très particulière de cet état d´esprit qui empêche aujourd´hui
encore qu´une minorité développe sa culture, sa langue.
Le racisme n´est pas seulement l´expression des préjugés, de la domination
d´un groupe sur un autre, mais bien une structure de pensée qui est née en
Europe et qui divise les êtres humains en deux catégories: la race supérieure[10] et la race inférieure. Le racisme en tant
que structure mentale se base sur des préjugés, des représentations, des
clichés et des stéréotypes ; il construit des images de l´Autre fondées
sur l´aspect physique et une norme sociale : “la normalité”, alliée à un
certain comportement déviant.
Le racisme est la base idéologique pour l´extermination –
holocauste/samudaripen- des peuples juif, Roms et Sintes, à l´époque du
National Socialisme. Il est la cause de la stérilisation brutale, massive
des “handicapés” et des Roms et Sintes.
Le racisme aujourd´hui est le mode de pensée des groupes d´extrême-droite en Europe (comme le FN:Front
National en France), qui portent une part de responsabilité dans la
discrimination des minorités, l´exclusion, et la persécution jusqu´à la
“liquidation” des représentants de ces groupes jugés inférieurs.[11]
Le racisme est la peste[12] de l´humanité au
20/21.siècle, . Il est important d´en connaitre la structure et le
fonctionnement.
“Antitziganisme”[13]
en est une expression particulière, utilisée depuis les années 80 en
Allemagne pour définir les structures
discriminatoires envers les Roms et Sintes.
C´est un état d´esprit qui donne une représentation des Roms et Sintes
comme étant “étranger” “criminel” et
“fainéant””associable” “menteur” “malpropre””voleur” “parasite”
Ces représentations sont racistes ! L´antitziganisme est dirigé contre un
type de comportement
déviant, non conforme à la norme dominante et contre une minorité dont on
pense que c´est un trait racial non-aliénable.
L´antitziganisme[14]
est dirigé contre les Roms et Sintes depuis le 18ème siècle, dont on affirme
l´infériorité génétique, raciale immuable. Le samudaripen est le terme utilisé
pour le meurtre collectif total, le génocide du peuple des Roms Sintes et Kale
pendant la Seconde Guerre Mondiale, tragédie passée souvent sous silence.Il a
fallu attendre début 2009 pour qu´une sculpture rappelle que le camp de
Rivesaltes a aussi été un camp d´internement pour les Tsiganes. 500.000 d’entre
eux ont été exterminés pendant la terreur nazie. Les nazis et leurs alliés de tous
les pays ont persécuté, stérilisé, torturé et finalement gazé les Roms dans les
camps de concentration. Ils étaient considérés comme parias, asociaux. Les Roms
ont été traumatisés à vie dans leur corps et dans leur esprit. Ils luttent
encore pour la reconnaissance du samudaripen.
Ce trait raciste existait déjà bien avant l´anti-judaisme et c´est la
raison qui empêche l´émancipation des peuples Roms et Sintes[15]: la croyance en l´infériorité génétique de tout un peuple.[16] Cette représentation négative des Roms et
Sintes les empêche de s´intégrer, de développer leurs facultés – mis à part
certains côtés comme la musique, la danse, etc..., de scolariser leurs enfants et à développer une
confiance envers les institutions « gadge » qui leur permettraient de
mettre leurs enfants à l´école.
De même les Tsiganes - Roms et Sintes – ont toujours eu une relation bien
particulière avec l´institution scolaire ; de par leur mode de vie nomade,
une scolarisation normale n´a pas été toujours possible dans le passé, la famille
étant le lieu où se faisaient les apprentissages fondamentaux pour assurer la
survie du groupe ou de la famille ; la peur de l´acculturation et de la
perte identitaire aidant, les familles Tsiganes sédentarisées ne reconnaissent
pas toujours la nécessité de scolariser les enfants.
L´antitziganisme a sévi aussi dans l´Europe de l´Est, dans les pays
socialistes où par définition il n ´y a pas de racisme, de domination de l´homme par l´homme et où la fraternité[17] et la solidarité règnent.
Paradoxalement, c´est dans les pays de l´Est, en Hongrie, que les Roms et
les Sintes ont pu s´intégrer et avoir un lycée et une université pour les Roms
et Sintes (Lycée Gandhi).
Ouvrir le débat sur la possibilité d´émancipation des Tsiganes – Roms et
Sintes - c´est ouvrir le débat sur les conditions de la scolarisation des
enfants Tsiganes, priorité du Conseil de l´Europe, pour la décade Roms
2005-2015.
Ce débat ne peut pas être mené en dehors du débat sur l´école en général:
quelles sont les modalités de ce débat en France et quelle importance accorde
notre voisin européen l´Allemagne à la scolarisation des enfants Roms et
Sintes?
Il ne s´agit pas d´un choix délibéré! Il est intéressant de savoir si ce
voisin sur le territoire duquel s’est produit le génocide tsigane accorde une
attention particulière à la scolarisation des enfants Roms et Sintes.
Introduction
Aujourd´hui, on parle beaucoup de la complexité du débat sur l´école, de l'
insatisfaction aussi bien des enseignants que des parents et des élèves. Le discours
sur l´école peut décider une élection, d´où l´importance accordée aux réformes
pédagogiques, à la réussite scolaire, mais aussi à l´ascension sociale liée à
celle-ci, ou le manque de débouchés professionnels consécutifs à un échec
scolaire.
Où en est le débat sur l´école?
Depuis les années 90, l´histoire des politiques scolaires semble avoir été
celle de l´échec des réformes ; une réforme a chassé l´autre, provoquant
de plus en plus de mécontentements parmi les enseignants et le désaveu des
universités.
Deux tendances se cristallisent dans ce débat: d´un côté la vision d´une
école Française comme étant selon l´expression de François Dubet “ un mammouth:
animal préhistorique”, et de l´autre côté la vision d´une école engagée dans
“une frénésie de réformes”, une effervescence d´activités accrues dans les
enceintes des établissements scolaires. Trois images de l´école sont largement répandues
- la crise
continuelle
- l´
école-machine(usine)
- l´utilité
scolaire/économie
Sans oublier que l’école est un lieu de vie où les acteurs passent beaucoup
de temps, et où les enfants apprennent à grandir ; dans ce sens, une
réforme réussie de l´école Française aiderait celle-ci à assumer son rôle
éducatif.
Depuis la critique de l´école républicaine reproductrice des inégalites
sociales, en engendrant des inégalités scolaires, l’école veut réaliser
l´égalités des chances ; elle devient plus démocratique, plus ouverte,
mais est-elle autant plus juste?
Quelques réformes essentielles ont été réalisées après la publication de
l´ouvrage de Bourdieu sur les inégalités scolaires:
- institution du collège
unique: loi du 11 juillet
1977, dite loi Haby, qui fut le fruit d´un long processus d´unification de
l´enseignement en France, un cycle d´enseignement secondaire commun à tous
venant se greffer sur l´école primaire.
- création des ZEP, Zone d´Education Prioritaire, pour endiguer les conséquences de la
ségrégation scolaire
- création des IUFM, pour améliorer la formation des
enseignants.
- les lois de rénovation urbaine et de cohésion sociale de 2003 et de 2005
qui inscrivent l´éducation prioritaire dans le cadre de la « politique de
la ville ».
- renforcement des moyens pédagogiques pour les
écoles s´inscrivant dans le cadre RAR:
Réseaux Ambition Réussite
Malgré cet effort effectué pour l´amélioration du sytème scolaire, les
résultats de l’évaluation de la langue Française en CP, en octobre 1997,
montrent la permanence des inégalités :
- résultats inférieurs pour les garçons
- résultats inférieurs pour les enfants issus des milieux défavorisés
- résultats inférieurs pour les enfants issus de l’immigration ; on
parle d´”éthnisation” de l´échec scolaire
- résultats inférieurs des enfants scolarisés en ZEP par rapport aux
résultats des enfants scolarisés hors ZEP.
-Loi Darcos sur l´école
élémentaire 2008 vient renforcer cette frénésie de réformes.
L´intérêt pour la réussite et la garantie de la réussite scolaire de tous
les enfants ne cesse de nourrir ce débat sur la réforme de l´école ; cet
intérêt croissant pour l´éfficacité et l´effectivité du système éducatif
Français est renforcé par les résultats obtenus lors des évaluations
internationales PISA
L´école Française n´a pas atteint ses buts égalitaires, à tel point que
François Dubet se demande si l´avenir
est déjà derrière nous. Cela ne veut pas dire que l´école démocratique n´ ait pas évolué, elle s´est
réformée. Elle s´est ouverte vers la vie. Elle ne fonctionne plus seulement
comme une institution. Elle n´est ni la machine qui produit des individus à son
image, ni non plus seulement un marché où on envoie ses enfants pour
qu´ils acquièrent des diplômes utiles à une ascension sociale ou à un métier.
C´est un lieu de vie d´où l´éducation n´a pas totalement disparu.
Où va l´école ?
L' école de la République n´est plus si sûre de sa finalité (former des
individus autonomes, anticiper les besoins de l´économie, assurer l´intégration
morale de la société). Elle poursuit même des objectifs multiples et
contradictoires (qualifications utiles, acquisition d´une grande culture,
formation de sujets authentiques).
Au problème des différences et des inégalités sociales s´ajoutent
aujourd´hui les pluralités culturelles
et ethniques, la culture de masse et l´influence des nouveaux médias.
En même temps que l´école se
transforme, la sociologie de l´école
évolue.
Pour comprendre l´école d´aujourd´hui, il ne suffit plus d´étudier les
programmes et les méthodes de travail, il faut saisir comment les éléves
construisent leurs expériences mais aussi comment les enseignants conçoivent
leur métier et aborder les expériences scolaires de leur point de vue.
L´école de tous les enfants en France reste l´école primaire. Il est juste
que l´intérêt public, le regard soit porté sur les établissements de l´école
élementaire et primaire, et plus particulièrement sur les établissements
scolaires où la précarité est la plus forte: 5% des écarts en fin d´année s´expliquent par
l´environnement familial (variables sociales et culturelles) et 13% environ par
des facteurs d´environnement scolaire (organisation de l´école, variables
pédagogiques et influence de l´enseignant” [18]
Sans transformation des pratiques professionnelles, sans travail collectif,
sans projet mis en oeuvre par les personnels de la ZEP et leurs partenaires,
les effets du label ZEP pourraient être plus stigmatisants que
positifs explique François Dubet.
En fond de toile, la multitude de données sur l´école primaire,
l´importance accordée à l´apprentissage des bases - lire, écrire, compter -, la
récurrence des inégalités scolaires constituent un socle sur lequel il faut
analyser et juger les réponses
pédagogiques des divers établissements scolaires et des enseignants en ZEP.
Mon attention s´est portée sur un cas extra-ordinaire:
celui de l´école primaire La Miranda, dans le quartier Saint-Jacques à
Perpignan : une école Française fréquentée à 100% par les enfants Gitans
du quartier .
Cette école, il y a à peu près 5 ans, était marquée par un très fort
absentéisme des enfants mais aussi des enseignants. Elle a instauré un projet innovant pour résoudre ce malaise.
Quels sont les dispositifs institutionnels ou
éducatifs mis en place à la Miranda pour que les enfants Gitans aient une
chance de réussir à l´école ?
Cette question implique la sociologie de l´école.
1 - La
sociologie de l´école et la question de l´égalité des chances. De la macro
à la microsociologie
1.1.
L´héritage culturel : La
réussite scolaire dépendant de l´origine sociale
La sociologie de l´école des années 60/70, d´après la théorie
reproductionniste de Bourdieu[19], critique
l´école républicaine qui prétend
garantir l´égalité des chances.
Le mérite de cette sociologie est de montrer les inégalités des chances dans
l´école républicaine. L´école reproduit le système social dont elle fait
partie ; elle privilégie la réussite des enfants de la classe dominante.
L´école républicaine qui prétend garantir les chances de réussite de tous
les enfants indifféremment de leur appartenance sociale laisse les inégalités interindividuelles de
départ inchangées ; elles se reproduisent
dans cette institution et la structure sociétale avec elles.
Pierre Bourdieu dénonce le rôle reproducteur de l´école comme facteur sinon
comme instrument de la reproduction des inégalités sociales en inégalités
scolaires. Chez lui le contexte politique des années 60 se reflète dans sa critique portée à l´idéal de
l´égalité des chances que l´école républicaine n´a pas concrétisé. Pour lui la
société est un ensemble de structures de pouvoir qui impriment, notamment grâce
à l´école, leur marque sur l´individu, là où encore Durkheim postulait une
école libératrice qui permettrait à l´individu de se construire une liberté
individuelle. L´école républicaine reproduit les inégalités sociales mais
aussi l´aliénation culturelle, car elle
prétend propager une culture universelle alors qu´elle ne sert que les buts
d´une classe sociale dominante.
Pierre Bourdieu parle d´un héritage culturel : Pour les enfants des
couches sociales favorisées, l´école est le prolongement de leur milieu
familial, tandis que pour les autres” c´est un processus d´acculturation qui
leur est imposé à l´école: ils doivent franchir un handicap culturel, tant sur
le plan de la langue, de la culture extrascolaire, des dispositions que des
motivations .”[20]
La culture scolaire qui fonde la socialisation est loin d´être universelle
et objective; elle est proche de la culture familiale des élèves socialement
favorisés (domination d´une classe bourgeoise).
”L´école reconnaît les siens”.[21] Les enfants des couches sociales
privilégiées héritent du capital culturel de leur famille. Cette culture de la
classe dominante se cache sous le manteau d´une culture scolaire
savante pour maintenir “l´illusion de la méritocratie scolaire”.
Les enfants d´origine populaire subissent une violence sous la forme
d´acculturation, si grand est l´écart entre leur culture sociale d´origine et
celle propagée par l´école.
Tenant compte de la
dénonciation/critique de l´institution scolaire reproduisant les
inégalités sociales en suit une vague de démocratisation de l´école et la
massification du système éducatif (1980) , enjointe par la loi de 1989, de
démocratiser la réussite, la lutte contre l´échec scolaire, ce qui permet
d´aviver l´intérêt de la sociologie pour l´apprentissage scolaire.
1.2.
L´individualisme méthodologique.
Raymond Boudon, loin de nier ce
fait, part de « l´axiomatique de l´inégalité des
chances». Il constate que ”l´inégalité des chances est forte et varie en
fonction surtout du statut mais aussi, pour un même statut, en fonction du
diplôme des parents”.[22] Il introduit la notion de
“l´individualisme méthodologique”
Certes il y a un lien étroit entre l´origine sociale et la réussite; un
handicap cognitif et culturel caractérise les milieux défavorisés, mais à ceci
viennent s’ajouter d´autres phénomènes.
Par exemple à réussite égale il y a
une orientation inégale.
L´orientation vers les voies
scolaires les plus intéressantes dépend de l´origine familiale: d´un côté les
enseignants orientent les enfants des milieux défavorisés vers ces voies
scolaires inintéressantes; de l´autre les aspirations familiales et une
certaine auto-sélection (risques et
coûts des études/ manque de confiance en soi de l´enfant) font que les familles
ont moins de liberté d´exprimer et d´imposer leur choix.
La cause principale de cette
inégalité des chances est la combinaison de deux facteurs: un facteur
institutionnel (l´école) et un facteur psychosociologique (le choix des
familles, influencé par leur position sociale).
C´est, d´après Boudon, au moment de
l´orientation que se produit l´essentiel des différences en fonction de
l´origine sociale [23]. A réussite égale, l´orientation vers les
voies les plus intéressantes dépend de l´origine sociale.
Dans les années 80, des politiques
publiques contre l´échec scolaire furent mises en place. L´école s’est certes
démocratisée, mais ceci n’a aucunement contribué à une plus grande mobilité
sociale.
Car la démocratisation de l´école ne faciliterait pas forcément la mobilité sociale
(« Paradoxe Anderson ») [24] ; elle irait à l´encontre de la
fonction de formation de l´institution scolaire, en disqualifiant au nom de
l´égalité des chances la notion même de performance scolaire ; on
risquerait d´attenter gravement à la fonction d’éducation du système
d´enseignement, s´inquiète Boudon.
Alors que celui-ci reconnaît l´importance de ces inégalités, il souligne
néanmoins qu’elles ne constituent pas un problème social majeur, l´essentiel
étant de laisser faire le jeu des aspirations familiales et individuelles .
Alors que Bourdieu et Passeron
dénoncent la reproduction de la hiérarchie sociale par le système
éducatif, Lévy-Garbowa et Boudon
soulignent la différence de nature existant de fait entre le système éducatif et
le système économique et social, et le nécessaire ajustement des politiques publiques d´éducation aux
contraintes du marché économique. D´après ce dernier il y aurait trois manières de réagir et de
limiter les effets négatifs de cette orientation familiale et
institutionnelle :
- Proposer
des choix moins brutaux et qui engagent moins l´avenir(filières courtes)
- Agir sur
les coûts (bourses aux enfants démunis)
- Renforcer
la carrière scolaire de l´élève par rapport à ses résultats
Il faut en conséquence réaffirmer la fonction primordiale de l´école comme lieu de
transmission de savoirs et de savoir-faire.
1.3.
Nouveau regard sur les
inégalités scolaires: l´ouverture de la
boîte noire
L´analyse de la responsabilité de l´école dans la production des inégalités
sociales est moins marquée par la dénonciation globale de l´école reproductrice
des rapports sociaux marqués par la domination d´une classe sociale privilégiée
que par les soucis et les préoccupations d´efficacité et d´amélioration du
système scolaire et de la volonté de mise en évidence de marges d´action .
L´attention se porte alors sur les acteurs considérés non pas comme
déterminés par des situations, mais pouvant eux-mêmes agir sur ces situations,
pouvant leur donner un sens , les définir, les construire et y élaborer un
certain nombre de stratégies. On exige l´ouverture de la boîte noire[25] du
système scolaire pour comprendre comment les inégalités se fabriquent
dans l´enceinte de l´institution scolaire: On se dirige vers l´école
efficace.
Le constat restant sans appel du rôle de l´école dans la perpétuation des
inégalités sociales, l´attention est alors portée sur les acteurs considérés
comme pouvant définir et donner du sens, il faut ouvrir la boîte noire du système
scolaire pour comprendre comment les
inégalités se fabriquent en son sein.
L´origine sociale n’est pas la seule source de cette inégalité des
chances ; le sexe et les origines culturelles y contribuent : jeunes issus
de l’immigration ou appartenant à une
autre culture.
Les éléves de même origine et
ayant les mêmes compétences scolaires initiales progressent plus avec l´un
qu´avec d´autres.
“Les interactions et les comportements pédagogiques, puisqu´ils sont loin
d´être simplement déterminés par des situations sociales, peuvent être le levier
d´amélioration du système, notamment au niveau local.”[27]
1.4.
Vers une sociologie du
lien pédagogique
Dans les années 90, la sociologie de l´école s´éloigne de la critique
surplombante pour aller vers une expertise plus politique et plus
pratique ; dans son appréhension de la réalité scolaire, manquaient
jusqu’alors les sujets.
Pour la nouvelle sociologie de l´éducation,
l´apprentissage et la communication scolaires sont des faits
sociaux ; la situation scolaire est définie dans l´interaction enseignants-élèves-parents,
définie comme un équilibre précaire qui exige toujours et de nouveau une
négociation, nécessaire pour imposer leurs définitions des diverses composantes
de la situation scolaire.
La vie des individus, leur
subjectivité, leurs pensées, leurs relations et leurs émotions étaient
réduites jusqu´alors au fonctionnement du système.
Pour François Dubet, il faut
s´interroger sur ce que l´école fait aux élèves et aux enseignants et sur ce
que les élèves et les enseignants font à l´école.
.
Démocratiser la réussite par
l´unification des filières est
certes un but louable, mais quand la
culture scolaire destinée aux élites reste , le risque d´échec scolaire
perdure.
Des situations scolaires conflictuelles peuvent se déclarer, c´est à dire
que l´échec scolaire pourrait s´instaurer dès lors qu´il existe un grand écart
entre les élèves et la culture diffusée, lorsqu´il n ´y a pas accord tacite
entre les savoirs transmis et les élèves.
D´après François Dubet, chaque situation scolaire est caractérisée par une
combinaison de trois logiques d´action:
- d´intégration :
l´élève se définit en fonction de son appartenance à une organisation scolaire mais aussi
et surtout au monde de la culture juvénile
- stratégique
où l´élève agit au mieux de ses intérêts scolaires et de subjectivation où
l´élève est un sujet de construction, à distance des 2 autres registres
d´action et en recherche d´authenticité personnelle
- Appartenance
à une organisation scolaire - culture juvénile - subjectivation -
recherche personnelle.
Un nouveau modèle de relations, de rapports aux études, se cristallise,
dans lequel on s´interroge sur l´activité individuelle de construction du
rapport aux études. Il faut initier
l´activité de l´élève plutôt que d´en attendre une réception passive,
construire une cohérence de l´apprentissage et de l´évolution globale de
l´élève et proposer des tâches différenciées.
C´est logiquement au collège que la remise en question de l´ordre scolaire
est la plus forte.
L´adolescent soumet l´institution à une pression critique, l´autorité
enseignante et la motivation pour les savoirs deviennent une réalité fragile.
Nous retrouvons là les pratiques traditionnelles comme par exemple les cours magistraux.
Le nouveau modèle de relation
consiste en l’écoute, la disponibilité, la capacité à valoriser les élèves à
les motiver: la maîtrise de sa matière ne suffisant plus et donnent peu de
repères pour la construction d´un ordre scolaire. Il se légitime au nom de la
réalisation et de l´épanouissement de l´enfant.
A l´école maternelle, le modèle expressif
domine (créativité et spontanéité) au détriment du modèle productif.[29]
1.5.
Critique des nouvelles
pédagogies
Les pédagogies nouvelles s´appuient sur des pratiques peu familières aux
milieux populaires. Les innovations
pédagogiques semblent plus faciles dans un contexte scolaire sans problèmes;
elles ne favoriseraient pas particulièrement les élèves issus d´un milieu
populaire. Il s´agit bien d´un
paradoxe.
Le modèle expressif de l´école maternelle et le modernisme relationnel des
enseignants du collège ne soutiennent guère la réussite des enfants des classes
populaires et les pratiques des enseignants élitistes ne défavorisent guère plus
ces mêmes élèves.
Un certain nombre de pédagogies de compensation auraient même un effet
pervers ; elles empêcheraient les élèves des milieux populaires de
chercher et de trouver du sens aux apprentissages en tant que tels et pourraient
conduire à les enfermer dans leurs difficultés.[30]
Un bilan plutôt sobre
Le système scolaire est en transformation
continuelle, mais les inégalités scolaires perdurent:
C’est particulièrement à l´entrée à l´université, aux grandes écoles qu’on
observe cette relative constante dans divers pays. Ceci laisse supposer qu´il y
a des causes universelles à cet état de
choses. Est- il possible de les
corriger? Comment et jusqu´à quel point?
Certains développent une position nostalgique ; on regrette l´école
des années 50 et on souhaite revenir à des méthodes plus “autoritaires”. Ils
croient qu´il serait raisonnable de
réaffirmer la fonction naturelle de l´école qui consiste en l´apprentissage et
au contrôle de l´apprentissage, [31] sans néanmoins poser la question de quels
savoir-faire et de quels apprentissages il s´agit.
Mais ils ne tiennent pas compte de la complexité de la société
pluriculturelle. L´école ne peut plus fonctionner sans la participation des
parents . Il faut créer des liens pédagogiques, construire un ordre scolaire et
développer des stratégies motivationnelles. La maîtrise d´une matière est insuffisante comme critère pour le profil des
enseignants.
Finalement, pour réaliser l’impératif d’égalité des chances, la sociologie
de l’école introduit le principe de la différence.
Comme François Dubet le constate, la massification a renforcé la
participation, mais elle n´a pas sensiblement accru l´égalité et “ l´égalité
méritocratique des chances n´est acceptable que si elle est pondérée par des
principes modérateurs “[32]
Se référant à Rawls, il affirme le principe de différence ; les
premières conséquences de ce principe est de geler la sélection pendant le
temps de scolarité obligatoire (primaire et collège unique) et redéfinir des
priorités qui tiennent compte du fait que 100.000 élèves en France quittent
l´école sans qualification ; au sortir du primaire, 20% des élèves ne
savent pas correctement lire ,écrire et compter.
De même que les élèves ne peuvent être abordés sous le seul aspect de leurs
performances scolaires, l’éducation ne saurait être réduite aux seuls
apprentissages tels que les mesurent les tests et les diplômes.[33] La socialisation scolaire n´est plus limitée à un rôle
fonctionnaliste comme un apprentissage de rôles ou d´un habitus.
De même il faut s´interroger sur le travail des enseignants qui n´ont pas
simplement un rôle professionnel à accomplir ; ils bâtissent une relation
avec les élèves, laquelle va de moins en moins de soi que l’on s´éloigne du
milieu culturel des enfants. Les enseignants doivent engager leur personnalité
dans les relations pédagogiques, afin de conquérir un public qui n´est plus
acquis ou qui n´est pas du tout acquis ,comme c´est le cas concernant la
scolarisation des enfants Gitans.
Il semble maintenant particulièrement important de traiter de l’expérience
des enseignants, des représentations qu’ils se font des enfants qui leur sont
confiés, et de leur propre discours concernant les parents Gitans.
Partant de la thématique Egalité des chances et discrimination, je m'
attache à connaître les représentations des enseignants concernant leurs
élèves, car l´image qu´ils se font d´eux va influencer la didactique et la
méthode. Comment conçoivent-ils leur métier (conditions de faire cours,
établissement de l´ordre scolaire-discipline, sens à donner aux apprentissages,
motivation des élèves) ?
Est-ce que la subjectivité (personnalité) de l´enseignant
(représentation-posture) pourrait être un élément qui expliquerait l´échec
scolaire des enfants Gitans ou est-ce qu´il existe des causes plus générales
liées au fondement de l´institution scolaire ?
D´autres questions bien sûr pourraient être abordées dans un sens positif:
-
Quel
est le type d´intégration sociale qui
peut être construit dans une société de la diversité ?
-
Comment
penser les programmes scolaires de façon à ce qu´ils aient du sens pour une
minorité Gitane, sans perdre de vue la
”fonction universalisante” des savoirs scolaires?
-
Quelle
place accorder à l´identité et à l´appartenance culturelle gitane au sein de
l´espace scolaire et dans les interactions entre adultes et jeunes enfants?
-
Comment
partir du handicap socioculturel pour aboutir à la construction sociale des
différences ?
.
2.Méthodologie
utilisée
Pour faire mes recherches sur la scolarisation des enfants Gitans (Roms et
Sintes) j´ai choisi une méthode de la sociologique anthropologique:
l´observation directe.
Alain Touraine définit cette méthode
comme étant une méthode empathique alliant partage et compréhension ; il
s´agit de “la compréhension de l´autre dans le partage d´une condition
commune”. Elle consiste à étudier une société en partageant son mode de vie, en
se faisant accepter par ses membres et en participant aux activités des groupes
et à leurs enjeux. Elle introduit l´idée d´une compréhension d´une autre
culture et non le simple jugement de celle-ci d´un point de vue ethnocentrique.
En ce qui concerne l´observation à découvert d´une organisation
formelle comme l´institution scolaire,
l´entrée d´un observateur ou d´une observatrice est de toute façon un processus
de négociation avec une administration servant de barrière d´accès à toutes les
autres catégories d´usagers de l´institution. Le cheminement hiérarchique doit être respecté.
Il s’agit donc d’une observation à découvert qui demande beaucoup
d´habileté et de tact pour obtenir des données propres à son fonctionnement
ordinaire, éviter les mises-en-scène et de ne pas courir le risque d’observer seulement les
zones les plus présentables.
Le stage à La Miranda fit l´objet d´une négociation intense avec la
directrice de l´établissement et le corps enseignant. De ces négociations ont
ressurgi les conditions suivantes: les enfants Gitans sont “tabou “, donc pas
de communication avec eux ; seuls demeurait possible l’observation de la
vie scolaire et des cours, avec accord préalable des enseignants, et seuls les
enseignants qui avaient donné leur accord voulaient s´entretenir avec moi.
J´ai dû expliquer à chacun ma démarche et l´intérêt de ma recherche dans le
cadre du D.U Egalité des chances et la discrimination, et leur garantir
l´anonymat.
Quels étaient finalement les atouts qui ont pu plaidé pour moi, et pourquoi ce stage fut accordé aussi bien par l´Inspection académique du Ribéral, la
directrice de l´école et quelques membres du corps enseignant( quatre
enseignants en tout, au départ, et la directrice). Professeur de langues
(Français langue étrangère et Allemand langue première) en secondaire, Au cours de ma carrière néanmoins, j´ai
enseigné à des enfants ayant un arrière-plan de migrations, “Kinder mit
Migrationshintergrund“. C’étaient des enfants dont les parents étaient
originaires de Turquie, des pays de l´Est, du Proche-Orient, ayant poursuivi une socialisation primaire
dans un pays autre que celle du pays d´accueil. je n‘ai jamais eu de contacts
avec des enfants Roms et Sintes de Hambourg
J’ai donc acquis une certaine expérience à saisir et à analyser les
difficultés scolaires d´enfants provenant d´un milieu social défavorisé
“bildungsferne Elternhäuser”, des parents
assez éloignés de la culture scolaire.
Installée depuis peu à Perpignan, je porte
un regard autre sur un problème déjà ancien.
Il me fallut développer une certaine souplesse et m´adapter aux difficultés
du terrain, car il s´est avéré difficile d´observer le quotidien des
enseignants surtout dans un domaine politiquement aussi sensible que le terrain de Saint-Jacques.[34]
.
Arrivée à la fin de mon stage passé à La Miranda, je devais élargir ma
perspective. Et faire une comparaison avec d' autres projets de scolarisation
des enfants Roms et Sintes en Allemagne.Je me suis déplacée à Hambourg et j´ai
passé une semaine à Francfort, dans le Land de Hessen, puisque l´éducation en
Allemagne relève de la compétence des différents Länder, le système éducatif en
Allemagne étant très décentralisé contrairement au système Français unifié.
Bien qu´en Allemagne les chercheurs disent rencontrer les mêmes difficultés
quand il s´agit d´observer la vie scolaire, surtout lorsqu’il s’agit d’élèves
Roms et Sintes, mes expériences personnelles en Allemagne démontrent le
contraire. Je crois pouvoir affirmer que les écoles y sont plus ouvertes. J’ai
pu très facilement parler aux enseignants qui se sont montrés ouverts à l´échange d´idées lors de mon
séjour à Hambourg de la fin mars à la mi-avril 2009.
Sans rendez-vous particulier, sans formalisme et bureaucratie
administrative, j´ai pu m´entretenir avec un enseignant Rom et observer
spontanément son cours de Romanes dans la Gesamtschule Sankt-Pauli. De même
deux directrices, l´une d´une école primaire et l´autre d´une école
spécialisée, ont pris de leur temps pour discuter des problèmes des enfants
Roms et Sintes. Une professeure à l´Institut de formation des enseignants de
Hambourg, Mareile Krause[35], a mis à ma disposition un DVD tourné par
des parents Roms et Sintes, pour lancer la discussion sur la situation scolaire
de leurs enfants.
Lors de mon passage à Hambourg j´ai pu prendre part à une discussion
organisée par l´union des Roms et Sintes “Roma-und Sinti-Union Hamburg”, connue
pour son engagement politique en faveur de la reconnaissance du samudaripen. En
collaboration avec la Ville de Hambourg, les survivants du samudaripen, deux
sœurs de la famille Weiss ont témoigné de leur déportation et de leur chemin de
Croix à Belzec en Pologne. Cette discussion s’est symboliquement tenue dans une
école publique juive, Talmud-Tora-Schule, où les enfants juifs ont repris les
cours aujourd´hui.
(Le chemin fut bien long jusqu´à la reconnaissance des souffrances de cette
minorité,en avril 2009 fut ouverte la première exposition sur la déportation
des Juifs et aussi des Roms et Sintes de Hambourg, là on nomme au même titre
Juifs , Roms et Sintes.”In den Tod geschickt - Die deportationen von Juden,
Roma und Sinti aus Hamburg 1940 bis 1945”)
j´ai pu observer la vie quotidienne
dans l´institution scolaire „Schaworalle“ pendant près d´une semaine dans cette
ville, du 18 au 22 mai 2009 ; la directrice et l ´association des Roms ”Förderverein
Roma”.
Udo Engbring-Romang[36], un chercheur dans le domaine du racisme
“Antitziganisme-Forschung” du Land Hessen, également collaborateur de
l´association des Roms et Sintes de Hessen ”Roma-und-Sinti-Verein”, m' a
accordé un court entretien à Francfort.
On m’avait annoncé que les enseignants de l´Ecole La Miranda étaient assez
disponibles et acceptaient facilement la présence d´autres collègues des écoles
avoisinantes ayant le même public dans
l’enceinte dans leurs cours.
Bien qu´ayant obtenu l´autorisation de l´inspection académique du Ribéral,
j’ai adressé une demande à la principale du Collège Jean Moulin, qui accueille
les élèves sortant de La Miranda dans une structure adaptée ; ma demande
est demeurée sans réponse. En revanche, la directrice de La Miranda fut très
disponible et a mis des documents à ma
disposition, après accord de l´inspection académique.
Malgré ces quelques difficultés, j'ai réussi à m´entretenir avec tous les
membres du corps enseignant, les parents-relais et aussi à créér des liens avec
des parents Gitans travaillant à l´école ou dans des organisations de femmes
Gitanes.
Chaque terrain exige une adaptation et
impose une démarche particulière.
Je n´ai pas enregistré les
entretiens sur magnétophone ; j´ai pris des notes dans mon carnet Aussi
bien pendant les entretiens que lors de l´observation des cours, j’ai parfois
noté de mémoire ce que j´avais vu ou entendu.
Après mon stage effectué à La Miranda, j´ai remis mes notes aux personnes
qui ont bien voulu s’entretenir avec moi ; je n´ai pas eu de retour, en ce
sens que les notes n´ont pas été rectifiées ou corrigées. Une seule personne
d´origine Gitane m´a demandé de corriger la transcription de son
entretien ; je lui ai donné la possibilité de rectifier ses dires.
L´objectif final des observations
faites aussi bien à Perpignan qu’en Allemagne (Hambourg et Francfort) fut de
trouver une signification sociologique aux données recueillies, de les classer
et de mesurer leur degré de généralités. Des recherches sur internet m´ont
permis finalement d´ouvrir une perspective vers “ les pays de l´Est „ et de
compléter mes analyses.
3.L´ecole élémentaire La Miranda
Alors qu‘ailleurs l‘hétérogénéité des éléves constitue un problème
pédagogique majeur mettant à l´épreuve
les compétences méthodiques des
enseignants, l´école primaire de La Miranda est “un îlot”, un cas à part: 100%
des enfants sont d´origine Gitane, il n y a aucune mixité culturelle, c’est une
école monocommunataire. Le problème essentiel que rencontre cette école, c‘est
le manque de fréquentation, l´absentéisme à son paroxysme, qui peut s’analyser
comme l´expression du refus de l´école Française.
3.1.L´environnement de
l´école „La Miranda“- le quartier Saint-Jacques
La Miranda est la seule école de Perpignan à ne pas porter le nom d´une
personne . Cette école est placée néanmoins dans l´optique d´une école de la
République Française: Liberté-égalité-fraternité.
L´école primaire La Miranda n´a de
vue que sur des murs. La vue est bouchée ; partout le regard se pose sur
des murs ou sur les fenêtres et balcons où sèche le linge , mis à part le
balcon au-devant de la salle des professeurs, au premier étage, qui permet
d´avoir un peu de recul et de surplomber la placette devant l´école.
De construction récente (2003 : Architecte Bertrand Ramond), un bâtiment
nouveau implanté sur la colline “Puig” dans le centre-ville historique de
Perpignan, l’école se trouve à l´ombre de l´église Saint-Jacques d´où partent
les processions de La Sanch.
L´école a une forme géométrique carrée; à l´intérieur se trouve la cour, un
patio comme on en trouve dans beaucoup de maisons méditerranéennes. Une grande
grille fermée signale qu´on pourrait pénétrer dans les jardins de la Miranda et
qu´on pourrait avoir cette belle vue suggérée par le nom de l´école ; pour
des raisons de sécurité, cette ouverture est fermée.
On y accède soit à pied en passant sous le porche avec la coquille
Saint-Jacques et remontant la rue de l´église, soit en prenant la rue de la
Miranda qui aboutit aussi juste devant l´église.
Un espace caniste placé en dessous de l´école signale qu´à cet endroit
l´hygiène serait de rigueur. Une curiosité quand même du fait de l´état de
saleté des ruelles de Saint-Jacques jonchées d´ordures ménagères où des
appareils-ménagers gênentla circulation.
En remontant la rue de la Miranda,
on passe devant les grilles fermées du seul espace vert du quartier, les
jardins de la Miranda dont les secrets restent à l´abri des regards de
visiteurs curieux. Mais on pourrait à la rigueur comprendre qu´ici les jardins
ne soient pas à toute heure accessibles, vu le nombre de consommateurs de
drogues qui pourraient y laisser leurs seringues.
L´école se trouvait à un autre endroit du quartier avant son implantation
en ce lieu sur lequel, il y a quelques temps déjà, avait existé une école
spécialisée pour enfants handicapés, une école Henry Wallon.
La Miranda a été placée, pourrait-on
dire, au même niveau que l´église ;
les fondations de l´école sont donc rehaussées ; il faut prendre le
perron, monter quelques marches, pour être devant l´entrée de l´école, assez
éloignée de la turbulente place Cassanyes avec ses commerces et cafés, loin de
ce qui fait de Saint-Jacques un lieu de perdition, un trou où toutes sortes
d´imaginaires se rencontrent: commerce de marchandises illicites, drogues, lieu
de rencontre de toutes les communautés présentes à Saint-Jacques.
L´architecture de l’école se différencie nettement de la substance et de
l´architecture historique du quartier à l´habitat insalubre.
Ce qui pourrait faire le charme de ce quartier, ce sont ses ruelles
médiévales dont la structure est inchangée depuis 700 ans, mais repoussantes
car dans un état de saleté répulsif.
Si on a la chance de jeter un œil au hasard de la promenade dans le
quartier, un regard dans les intérieurs des maisons, la propreté du cadre de
vie intérieur étonne.
Les façades et la substance des habitations sont en très mauvais état,
surpeuplées par des familles nombreuses qui n´hésitent pas à envahir la voie
publique, le pas de porte étant la prolongation du domicile privé, pour
échapper ainsi à l´exigüité des appartements et aux odeurs de cuisine ou de
ménage. Ce sont surtout les femmes Gitanes qui utilisent l´extérieur à cette
fin pour échapper à l´enfermement dans les appartements, les hommes Gitans
ayant la possibilité de sortir, d´aller au café et de s´entretenir sur la place
publique avec leurs amis.
Depuis le Moyen-Âge le quartier
Saint-Jacques est occupé par une population marginale.
La Place du Puig denommée le “Puy
des lépreux” dans ces temps dit bien que
la société a banni tous ceux qui auraient
pu lui nuire ; elle les a exclus et mis dans un endroit “clos”, une sorte
d´enfermement.
A la fin du XIIè siècle, d´autres marginaux arrivent ; les Juifs
reçoivent la permission de s´y installer. De cette époque date l´antisémitisme
lié à l´exerce de certaines professions
dites infâmes ( l´usure, la prostitution, le proxénétisme, le bourreau).
Par la suite au XIVè siècle et au XVè siècle, le Puig (la colline) est
investi par les tisserands qui l´abandonnent définitivement au XVè siècle.
Et au XIXè siècle, avec l´avènement de l´industrialisation, l´implantation
de l´usine de papier à cigarettes Job, une couche prolétarienne s´y installe.
Saint-Jacques est un quartier populaire.
Le décret du 6 avril 1940 interdisant la circulation des nomades, les Gitans
se sédentarisent dans le quartier. On peut bien parler aussi d´un contrôle
d´une population pourchassée et anéantie
par la suite pendant le régime nazi [37]. Même si le régime de Vichy en France
parle d´un“ camp de protection“ il s´agit bien là d´un internement. Le camp de
Rivesaltes s´inscrit dans la politique de sédentarisation (recensement des nomades par le gouvernement de la IIIè République dès
1895) et dans une logique d´internement du gouvernement de Vichy. Les Gitans,
citoyens Français, ne furent pas tous internés au camp de Rivesaltes[38] (ce camp correspond bien à logique de
renouveau dans la politique du gouvernement de Vichy de gestion de populations
exclues par une série de mesures xénophobes et antisémites) le même décret (6
avril 1940) provoque une sédentarisation des Gitans dans un quartier laissé
totalement à l´abandon.
Aux Gitans vient s´ajouter dans les
années 60-70 une forte immigration légale ou clandestine depuis le Maroc et l
´Algérie.
Deux minorités sont majoritaires
aujourd´hui à Saint-Jacques: les Gitans et les
Maghrébins. Vivre ensemble dans ce quartier où la sensibilité est à
fleur de peau n´est pas si facile et provoque des violences.[39] Encore en 2008 il suffisait d´un rien,
d´une étincelle pour que la situation se détériore, d´après l´avis des
différents habitants.[40]
C´est la situation de ghetto,
d´exclusion sociale qui provoque cette
violence. Ce sont de nombreuses familles mises au ban de la société: 1066
familles du quartier vivent en dessous du seuil de pauvreté et sont touchées
par la précarité.[41]
Pour la communauté Gitane, depuis la sédentarisation et la disparition des
activités économiques traditionnelles, les allocations familiales, l´aide aux
parents isolés, l´aide sociale sont les seuls revenus. Les femmes Gitanes ont
développé une grande compétence et un savoir-faire , connaissant parfaitement
leurs droits pour obtenir l´argent dont vivent les familles.
Même si ces familles n´ont jamais eu autant d´argent pour subvenir à leurs
besoins[42], ceci ne peut pas servir d´exemple ou de
projet de vie aux générations à venir.
Le quartier reste un lieu important d´activités commerciales licites et
illicites avec des réseaux de circulation de marchandises bien structuré, liant
les pays d´Europe du Nord (Allemagne-) aux pays Africains et Nord-Africains
comme le Maroc.[43]
Les enfants (écoliers) et les jeunes du quartier en sont le maillon faible.
La scolarisation des enfants Gitans devrait être une priorité de la société.
”Faire rêver les enfants (les filles) d´autres choses” (La directrice de la
Miranda).
La Miranda est de facto une école pour enfants provenant uniquement de la
communauté Gitane, son implantation dans ce lieu la prédestinait à ce rôle.
3.2. Présentation du projet
expérimental “la Miranda”
Le projet éducatif de la Miranda est une réponse pragmatique visant en
premier lieu à augmenter la présence des enfants gitans dans l´enceinte de
l´établissement et en second lieu à favoriser la réussite scolaire d´enfants
toujours en “grande difficulté scolaire”. Le projet éducatif profite d´une
dérogation.
Depuis 2004 (2006?) la ville de Perpignan et l´Education nationale ont opté
pour une démarche de projet en lien avec la population: Programme de réussite
éducative du plan de cohésion sociale. C´est la réponse et la réaction au problème
de l´absentéisme qui se posait alors à la Miranda. C´est un projet expérimental
co-piloté par l´Inspection Académique et la ville de Perpignan pour:
-
lutter
contre l´absentéisme
-
favoriser
la réussite scolaire de chaque enfant
-
conforter
les relations familles/écoles, quartier/école, école/écoles
-
renforcer
les moyens des équipes enseignantes et éducatives : équipe
pluridisciplinaire, effectifs doublés (une enseignant/un(e) aide-pédagogique),
intervenants en musique, en sport et en sciences naturelles.
Le projet a été mis en place en 2006, en réaction à l´absentéisme des
enfants Gitans qui avait alors atteint son paroxysme. On part d´un constat et
on met en place un projet pour essayer de renverser le processus. L´école fut
totalement “reconstruite”. Elle se trouvait à un autre endroit (Les deux
fontaines). Les événements de 2005, le conflit entre Maghrébins et Gitans,
furent un des motifs pour la reconstruction de cette école. Le nom La Miranda
exprime la volonté de la création d´une école rattachée au quartier
Saint-Jacques et à sa population.
Le projet (en copilotage –éducation nationale-préfecture-ville de
Perpignan) est mis en place pour 3 ans d´expérimentation tout d´abord, le but
étant de revenir au modèle républicain.
L´objectif est de revenir à une scolarité normale aussi tôt que possible.
3.3. Rôle du chef
d´établissement
Le rôle de la directrice d´école acquiert un autre accent. Elle n´a pas
d´autre mission apparemment du côté du statut ou de la fonction, mais de par la
réalité du terrain, elle a une rôle important puisqu´elle est déchargée
totalement des cours, Elle doit donner les pulsions majeures , les idées pour initier le travail pédagogique. Les
pratiques enseignantes sont pour elle “tabou”, c´est un travail collectif, les
cours sont sous la responsabilité de l´enseignant ; par contre la
directrice est parmi le groupe qui mène l´entretien avec les candidats pour les
postes d´enseignants et a ainsi une influence prépondérante ou la possibilité d´influence
sur le travail effectué à l´école. Elle est à l´écoute des parents, de
l´Education nationale, de la ville de Perpignan mais aussi de l´équipe
enseignante (Le mercredi la journée Madeuf).
L´actuelle directrice a demandé carte
blanche pour le travail expérimental. Ce projet a reçu l´adhésion des institutions dans sa mise en place
intiale et évolue actuellement en co-construction institutionnelle et
co-construction interne (acteurs du terrain - équipe pluridisciplinaire):
transparence dans les actions, évaluation des dispositifs et régulation des
actions.
Aujourd´hui la situation scolaire est plus compliquée que dans les années
50: la société a évolué, diverses vagues d´immigration, des enfants nés d´une
seconde génération, il faut un autre type d´enseignement et d´enseignant.
Une structure plus souple pour accueillir les enfants Gitans d´après leur
fréquentation de l´école et qui tienne compte d´un autre mode de vie (moins
adapté au rythme scolaire),créer des exemples de réussite.
Il s´agit d´une recherche tout d´abord d´adaptation des rythmes scolaires
en fonction des pratiques de certaines familles. En effet des enfants viennent
le matin, d´autres l´après-midi, ils
arrivent en retard ou ne fréquentent plus l´école.[45]
Le décloisonnement existe dans
d´autres écoles et n´est pas une spécificité de La Miranda, classes hétérogènes
de cycle respectant l´âge requis en France, enfants de différents âges dans une
même classe, par classe un(e) enseignant(e),un(e) aide-pédagogique et divers
intervenants.
Objectif 1 du projet: regagner la confiance des parents Gitans et faire
revenir les enfants à l´école.
- présence de personnel Gitan à l´école
- écoute des parents: une directrice totalement dégagée de cours.
- ouverture de l´école vers le quartier (fête)
Objectif 2: créer des exemples de réussite “Classe Major” pour assurer une
meilleure scolarisation en sixième du collège ou en SEGPA
Création de classes de fréquentation, souplesse dans le rythme scolaire,
enfants réguliers-semi-réguliers-irréguliers (classe d´accueil) pour ne pas
perturber les apprentissages et reconnaître les efforts des élèves assidus.
Différentes formes de différenciation-décloisonnement des cours (coin
lecture-regroupement-mathématiques), Ateliers théâtre et musique , mais aussi
des cours magistraux “ex-cathedra.
Apprentissage de la démocratie et de l´autonomie - conseil de classes.
Enseignements des fondamentaux le matin, l´après-midi des projets.
Pour les enfants semi-réguliers, les apprentissages des fondamentaux se
font l´après-midi.
Classe d´accueil pour les décrocheurs.
Créer une conscience de l´importance de la préscolarisation pour les
apprentissages de base en primaire.
Création d´une classe major après le CM2 pour approfondir les bases afin
que les meillleurs élèves aient la possibilité d´aller dans une 6ème régulière
– avoir un meilleur niveau. Ou aller en SEGPA
Une classe passerelle – qui reste pédagogiquement dans la responsabilité de
la Miranda ; mais administrativement les enfants sont des élèves du
collège Jean Moulin. L´après-midi ils sont regroupés dans une classe
“Gitane” : des enseignants du collège leur donnent des cours.
Janvier 2009: la maternelle - l´école de préscolarisation est intégrée dans
le projet afin que les enfants soient mieux préparés pour l´école (les ciseaux,
la colle, un autre rythme)
Expérimentation de méthodes plus ouvertes /pédagogie de Freinet et différenciation .
Depuis cette année aussi le “pédi-bus “ passe “ cap a l´escolla”, pour les
mamans qui ne peuvent pas emmener leurs enfants à l´école (santé/nourrisson à
la maison) sur demande un groupe d´un enseignant -un parent-relais va chercher
les enfants à la maison.
3.4
Une équipe pluridisciplinaire
Une equipe renforcée avec
plus de ressources humaines et des rôles bien définis.
Le corps enseignant est composé d’un einseignant par classe et d’une
aide-pédagogique et de plusieurs intervenants en musique, sport et sciences
naturelles.” On travaille en équipe, on bosse ensemble, on partage, on
s’échange”.
- A l´école maternelle: 2 enseignants et deux ATSEM (cycle 1)
- A l´école primaire: 6 enseignants et 6 aides-pédagogiques (cycle 2 et cycle 3) dont deux enseignants spécialiés
pour les classes d´accueil -relancer les élèves, accueillir les nouveaux
élèves, créer le lien aux parents, “couper le lien ombilical”
- Classe Major: un einseignant et une aide-pédagogique (classe passerelle)
- 4 intervenants musique sport, capoeira, sciences naturelles
- 2 RASED enseignants spécialisés pour aide les enfants en
difficultés ; à La Miranda le RASED s´occupe plus particulièrement des
enfants assidus, réguliers afin de créer/garantir une réussite scolaire
- 2 relais parents
- 1 secrétaire
4.Analyse
des représentations des enseignants
A travers le discours des enseignants s´expriment les sentiments des enseignants,
se reflètent dans les images qu´ils se font des enfants qui leur sont confiés.
Ainsi c´est à travers eux que s´exprime tout le questionnement de l´institution
lorsqu´elle doit scolariser les enfants.
Les enseignants s´expriment peu sur les enfants ou ils le font avec
beaucoup de retenue ; quand ils s´expriment ils restent dans des sphères
rassurantes, des représentations stéréotypées - par peur ou crainte de se
positionner, de provoquer des troubles ou de s´attirer des ennuis.
4.1.Les représentations de la culture Gitane sont pour la plupart sécurisantes,
rassurantes.
Des enfants qui se couchent tard, qui sont fatigués et ne peuvent pas se
réveiller tôt le matin.
“je n´ai pas de leçons à leur donner” “je n´ai pas à juger ces parents“
4.2.Le mythe de l´enfant-roi entretenu par les parents Gitans ,
mais traduit aussi par les enseignants et le personnel Gitan
Les parents cèdent aux caprices des enfants, les enfants ne souffrent point
de l´école Française, s´ils souffrent c´est à cause du départ d´un papa ou
d´une maman.
Si les écoles les rendent mal à
l´aise ils ne viennent pas .
4.3.Des enfants a-scolaires, avec des résultats hors-norme.
Dès lors les enseignants ne se responsabilisent pas pour les résultats
scolaires des enfants puisque le grand fossé entre la culture Gitane et la
culture Française est infranchissable.
Des enfants peu aptes à une scolarité normale, résultats hors-norme. Ils
sont déficitaires dans la langue Française et la langue primaire. Des enfants
qui font éclater des structures en place et qui remettent le système scolaire
en question dans son fondement.
Les enseignants se sentent peu qualifiés pour enseigner à des enfants ayant
de tels déficits.
“nous ne sommes pas formés pour le Français langue étrangère.”
La langue Française ne devrait pas être une langue étrangère pour les
enfants Gitans car ce sont des citoyens Français sédentarisés depuis les années
quarante.
Il est étonnant qu´ils n´aient aucun contact avec la culture dominante qui
les entoure. Il fut une génération de Gitans (40-50 ans) qui maîtrisaient la langue Française beaucoup mieux que les
enfants d´aujourd´hui. Apparemment il y a moins de mixité, moins de
possibilités de contacts avec d´autres cultures. Ceci s´explique par la
situation de “ghetto” dans le quartier Saint-Jacques où la communauté Gitane
reste entre elle. La nécessité de parler d´autres langues s´explique par les
métiers de commerce et d´échanges des anciennes générations.
4.4.Les enfants fragiles - manquant de confiance, affectueux, attachants mais turbulents et bruyants.
- phobie de l´école :transfert des adultes vers les enfants :“ayez
confiance en vous”
- Angoissés, il faut les rassurer et rassurer en même temps les parents.
Besoin d´assistance permanente.
- bruyants qui bougent beaucoup
- des parents affectueux, familiarité, tutoiement, umpulsivité: menace de
mort, insulte, manque de distance.
- des gens simples ,”je n´aime pas quand c´est trop lisse”
- overprotection: les enfants sont tabous, défiance vis-à-vis d´autrui
- capricieux
“ils apprennent à leur rythme, les cours sont aménagés, ce sont des enfants
ordinaires.Il n´y a pas d´agressivité. Que des enfants Gitans(dans cette école)c´est une erreur.”
“s´en sortiront-ils? Je ne mets pas tous les oeufs dans le même panier.
C´est une société, ils sont bien noyés, ils vont se laisser happer!“
-pendant la représentation de théâtre en CP narrateur défaillant: angoissé,
alors que pendant les répétitions il était sûr de lui.
4.5.Ecart entre la culture Gitane et la culture Française Un
mode de pensée totalement différent qui rend le dialogue interculturel
difficile si ce n´est impossible.
- l´école n´a pas de sens pour eux,les apprentissages scolaires non plus
- culture orale
- le livre n´est pas un objet culturel
- les enfants ne lisent pas seuls dans leur chambre
- ghetto, manque d´ouverture, pas d´horizon
- culture en autarcie
- ouvrir la porte vers la vie,vers les non-Gitans.
- clivage entre la culture dominante et la culture Gitane.
- une exception:” on ne peut pas tout rejeter sur les Gitans.Il y a
discrimination à travers le regard de l´autre.”
C´est plutôt les relais
parents qui ont une représentation plus nuancée des parents et des enfants,comme les citations le
montrent:
“prévenants, ils répondent à chaque appel”
“il y a des femmes Gitanes qui reconnaissent le travail. M... est
travailleuse. elle est honnête.”
4.6.déficitaires sur le plan du langage
- pauvreté du langage en Français et en Catalan Gitan
- manque de vocabulaire
Il en découle une stigmatisation involontaire, des représentations
stéréotypées.
Les enseignants ne connaissent pas vraiment la culture Gitane d´où sont
issus les enfants.
Pas besoin de refléchir longtemps aux difficultés ou à l´échec scolaire de
ces enfants puisque les explications sont claires: milieu culturel
défavorisé, écart entre la culture
d´origine et la culture scolaire
La difficulté qui se pose alors à l´institution scolaire c´est de tenir le
principe d´égalité et d´intégration qui tend vers l´uniformisation et la
formatisation des “enfants” et en même temps de traiter la différence, tolérer
les adaptations.
La position des enseignants vacille entre le réalisme-pessimiste des
enseignants qui ne se font pas trop d´illusions sur les résultats de leurs
efforts “ on leur donne tellement , mais il y a peu de retour” mais qui
s´engagent néanmoins sur des projets en faveur de l´intégration des enfants
Gitans-regard assistanciel-
4.7 Représentations des
enseignants /des pédagogues concernant les parents Gitans et leur attitude
vis-à-vis de l´école.[46]
Une attitude ambigue face à l´école Française: Attitude embarrassée qui
fait écho à l´attitude de l´école républicaine face aux enfants Gitans.
Crainte de confier les petits / méfiance du monde des paios.[47] Il s´agit pour toute action pédagogique,
pour toute médiation culturelle de convaincre les familles de confier leurs
enfants avant l´âge légal de scolarisation, pour éviter les obstacles dûs aux
décalages culturels trop importants. Afin de permettre une bonne scolarisation
dans le primaire et d´atteindre les buts d´un apprentissage scolaire basique
(lire,écrire,compter).
D´un côté refus des apprentissages
qui auraient tendance à aliéner les enfants Gitans. Peur de la perte de
l´identité communautaire.
De l´autre côté :reconnaissance de la nécessité de la scolarisation: pour
exercer un métier.
La paupérisation s´explique en bonne partie par l´attitude face à l´école:
faiblesse du niveau scolaire, échec scolaire, absentéisme, refus des
apprentissages. Un cercle vicieux.
L’école Française ne répond pas non plus aux attentes des parents: arrogance
des enseignants envers les parents, humiliation ; elle dévalorise
l´identité Gitane. Les enfants développent un sentiment d´infériorité car ils
ne comprennent pas la langue des enseignants et ne maîtrisent pas suffisamment
le Français.
Un sentiment d´infériorité s´installe car les enfants ne maîtrisent pas
suffisamment la langue Française. Le Catalan Gitan étant la langue utilisée
dans la famille, dans le quartier et entre les enfants à l´école.
La communauté reste le lieu où il est possible d´exister sans être
dévalorisé, sans être en échec.
L´éducation familiale permet d´acquérir des compétences jusque là utiles au
groupe tandis que l´école républicaine ne permet que la promotion des
meilleurs. Aucun attrait de la modernité!
- violence qui s´exprime individuellement quand un enfant est ou paraît
victime d´une injustice.
- l´école s´occupe peu ou pas des enfants Gitans.
- Crainte d´une perte identitaire, trou dans la transmission culturelle
(sédentarisation depuis 1940) perte de l´activité économique traditionnelle
donc perte de la transmission culturelle puisque la famille était et est le
lieu où l´essentiel des transmissions du savoir se faisait.
Tradition de non-assimilation ou repli identitaire actuel lié à une
paupérisation. L´évolution économique ayant condamné l´économie Gitane et avec
elle la mobilité - la mobilité des Gitans étant liée à l´exercice de leurs
métiers traditionnels, pour l’instant il n´y a aucune reconversion.
Et de l´autre côté il y a les
optimistes éternels, les « enseignants » qui ont le sentiment d´une nette
amélioration, d´une évolution nette puisque les parents acceptent de remettre
les enfants à l´école et de faire confiance à l´équipe enseigante.”70% de
présence, c´est un succès” Cette position positive s´exprime surtout lorsque la
scolarisation en maternelle se passe bien, comme c´est le cas pour la Miranda
puisque il y a une liste d´attente pour les enfants. Les chiffres sur
l´absentéisme sont réversibles, la preuve il y a une fréquentation plus
régulière de l´école : quant aux résultats des évaluations, ce n´est pas
vraiment la percée. Les personnnes en contact direct avec les parents et la
population Gitane sont plutôt nuancées : “il y a des jours d´optimisme et
des jours sans!”
Ils croient en une lente amélioration de la situation et affirment qu´il
faut laisser au temps le temps de faire les choses.laisser au temps...le temps.
- travail à longs terme, de longue haleine
- tirer profit des expériences acquises.
Ainsi tout se passe encore comme si le manque de fréquentation de l´école, l´absentéisme,
l´échec scolaire convenait à tout le monde : “Absentéisme qui convient à
tous: aux parents qui n´ont pas à imposer une fréquentation régulière, à
l´ecole qui se débarasse d´éléments pertubateurs”
Ce sont des enfants qui rapportent , mais qui ne viennent pas.
L´absentéisme des uns permettrait d´avoir des petits groupes différenciés
et d´individualiser les apprentissages.
Il n´y a pas un intérêt vital de la part de l´institution (des conditions
de travail des enseignants) de changer les choses.
4.8.les postures des
enseignants
Les différences sont
remarquables quant à la posture des enseignants: position de polarité
Du style autoritaire au style démocratique- analyse des postures à travers
le « conseil des élèves »- reflet du style des cours des enseignants
- du cours magistral à la différentiation interne- teamteaching
Tous les enseignants sont convaincus de vouloir travailler en équipe, de
réfléchir ensemble aux problèmes de l´absentéisme , même si à la rigueur ils
sont désarmés face à ce problème.
Ils soutiennent ce projet parce qu´ils sont convaincus qu´il faut aider à
“remettre sur pied une école qui n´allait pas bien car ne pas savoir lire,
écrire et compter à 25 ans c´est dur!” Un défi personnel à relever.
Le fait que 70% des enfants Gitans viennent ou reviennent à l´école est
d´après eux un succès, même si la pression de l´Education nationale se fait
ressentir pour augmenter encore la présence mais aussi pour améliorer les
résultats des évaluations.
C´est à l´occasion d´un conseil de classe que s´est révelée cette polarité
Le style de la compréhension
active :L´apprentissage de la démocratie
Dans la culture Gitane la parole de l´enfant compte beaucoup.
Le respect de la parole de l´enfant s´exprime dans l´institution d´un moment de parole libre en début de cours ,
mais dans le respect des règles:
“ne pas parler trop fort, ne pas
couper la parole, pas tous en même temps”.
Respect de l´élève et de son travail:”je ne vais plus gommer sans ton
autorisation”
Le conseil des délégués des classes est dirigé par le président (un élève)
qui accorde la parole, il est élu parmi les élèves directement à chaque séance.
Le président à un autre enfant:”tu parles sans parole”
Exemple de conflit où ressortent les positions des enseignants:
Style de la compréhension
active:”le vol crée un
problème,il faut une solution qui répare!”
“on vit ensemble,on ne peut pas tout fermer!”
La revendication d´une punition en rapport avec le manquement à la règle:
demande de réparation.
Style autoritaire:
“ moi je suis dur, ils ont besoin de règles” “chez eux il n´y a pas de
règles” “des règles molles qui ne rendent service à personne, c´est de la
fausse compréhension”
“on n´a pas été assez dur avec eux, être rigoureux, c´est leur rendre
service”
“on donne beaucoup de choses, des activités, pas de retour!”
“coutumiers du fait, ils racontent des histoires”
“récidivistes, des gamins qui refont les choses”
“on ne passe pas l´éponge!”
“il faut les cadrer, la parole de l´enfant ??!!” “il faut poser les choses”
“Ce n´est pas seulement pour ceux qui jouent le jeu”
“responsabilité envers les parents et enfants”
“si les parents ne paient pas, par la force!”
Il faut une punition qui fait mal!
4.9.Réflexions concernant la
Miranda
4.9.1 Compétence des
enseignants:
Bagage insuffisant ou inadéquat acquis dans les universités ( Profil de l´enseignant de la Miranda)
Critères du choix .
Pas d´enseignant d´origine Gitane ! (une seule professeure de Français à
Prades)
Formation professionnelle déficiente
Les enseignants
Les enseignants ne sont pas engagés comme il est écrit sur profil , mais
après un entretien avec la directrice, le représentant de la ville de Perpignan
et l´inspecteur académique pour éviter qu´il y ait rejet, incompatibilité et
éviter les conflits avec les parents Gitans.
L´ancienne équipe ne fut pas acceptée par les parents car elle était en partie trop méprisante envers
les Gitans.
Depuis janvier 2009 la maternelle fait partie du projet expérimental ce
sont des enseignants qui exercent depuis longtemps ce métier. Par contre dans
le Primaire ce sont des jeunes enseignants sortant de l´IUFM même s´ils ont
quelques expériences 1-3 ans dans d´autres établissements, ils sont au début de
leur carrière professionnelle.
Ces enseignants comprennent ou parlent le Catalan au contact des parents et
des enfants Gitans mais n´ont pas une formation linguistique en Catalan (Gitan)
Ils sont volontaires, ont demandé le poste à la Miranda. De culture
Française ils n´ont pas d´expérience professionnelle d´un milieu aussi particulier
que celui des enfants du quartier Saint-Jacques.
Le seul critère qui les qualifie pour l´enseignement à la Miranda est
« l´acceptance » de
l´autre, pas de dédain ou de mépris vis-à-vis des enfants Gitans. “je n´ai pas
de leçons à donner” est une phrase qui revient souvent.
4.9.2Les motifs ou la
motivation pour ce poste: du regard assistanciel à l´autonomie assistée
Aucun enseigant ne dit que c´est à cause de ces enfants en particulier
qu´il a demandé ou qu´il est venu à la Miranda.
Un seul enseignant exprime ne pas “aimer ce qui est trop lisse”, mais en
même temps être sensible à la bougeotte,
au bruit des enfants “des enfants bruyants” “toujours en mouvement”
Un enseignant exprime sa conviction, la nécessité d´être sur ce terrain.
Derrière cette conviction on reconnait
le motif : aider des enfants en grandes difficultés à se mettre
“debout” :C ést bien un motif
essentiellement assistanciel:
Des enseignants qui veulent aider des enfants en grandes difficultés
scolaires à apprendre les fondamentaux: lire,écrire et compter convenablement“.
„des enfants debout“ apprentissage de la démocratie avec le conseil des
enfants (une fois par semaine) :en donnant la parole aux enfants
-de la punition – respect strict d´un code de comportement (autoritaire-pédagogie
noire) à la pédagogie blanche punition en relation avec la faute.
Des cours qui sont le reflet des différentes pratiques enseignantes :
-Des cours magistraux, élèves
passifs, attentifs “objets” aux
cours de la différenciation: activité des élèves,en passant un peu par le teamteaching dans le primaire.
L´un fait l´introduction, le cours, l´autre s´occupe d´un groupe à deux,
même 3 ou 4 dans un cours (dans une classe).
Décloisonnement des cours: les professeurs et les élèves circulent d´une
pièce à l´autre.
La mise en place d´une structure pour réformer l´école: le travail en
équipe interdisciplinaire
Des règles nécessaires pour faciliter le contact avec les parents
(petit-déjeuner-pédibus).
Une heure de coordination par semaine:
Le mercredi une session de coaching : on apprend à communiquer !
« CM3 » : passerelle, exemple de discrimination indirecte.
-Accepter la différence des élèves pour adapter les pratiques.
-Les principes d´assimilation/d´acculturation ne suffisent pas à intégrer
les enfants.
-Une modification importante certes, mais peu fructueuse pour un
enseignement interculturel ou pour faire
décoller les enfants
-Des structures portées par des personnes différentes (différentes cultures
et qualifications) certes mais pour
l´essentiel ce sont des enseignants de culture Française: pas
d´interculturalité, situation monocomnunautaire, aucune mixité ethnique ou
sociale, “autarcie”, “ghetto”
Même si des modes adaptés de scolarisation sont nécessaires dans un premier
temps, il convient de les organiser pour aller vers la mixité des publics,
mixité des origines, des niveaux scolaires et des attentes. Ce qui n´est pas le
cas de la Miranda. Certaines personnes même pensent que c´est du “parcage
ethnique” [48]
car les enfants vivent en autarcie.
[1]
Lexis :chance
[2] Troger
Vincent Egalité des chances ou école démocratique ? Cahiers pédagogiques n°467
Novembre 2008 p. 17
[3]
cahiers pédagogiques n°476 p.20
[4]
Meirieu Philippe,intervention aux assises de la pédagogie organisée par le CRAP
le 3 février 2007 cité d´après cahiers pedagogiques n°476 p.20
[5]
La formation proposée par l´ACSE de Perpignan
a été refusée par le corps
enseigant.
[6]
Mouchtouris Antigone:discrimination sociale et approche sociologique p.10”
[7]
idem p.11
[8]
Mouchtouris p.13
[9]
www.antiziganismus.de
[10]
race supérieure ,un terme repris par l´idéologie nazie du début du 20.siècle
[11]
En Allemagne les attaques contre les Africains à Potsdam,l´ancienne capitale
prussienne.
[12]
Camus Albert :La peste
[13]
Engbring-Romang Udo :Antiziganismus
[14]
Le terme de tsiganes est dérivé du terme
„les intouchables“ c´est un peuple lié par une conscience identitaire,une
origine ,une culture et une langue commune le romani proche de du hindi enrichi
de persan,grec et langues européennes.500.000 tsiganes vivent en France
[15]
Il a fallu très longtemps à l´Allemagne Fédérale pour reconnaître,nommer le
génocide des Roma et sintès au même niveau que l´extermination des Juifs.
[16] Frisch Max:Du sollst dir kein Bildnis machen
[17] Zimmermann Michael:Zigeunerpolitik im Stalinismus,im “Realen
Sozialismus” und unter dem Nationalsozialismus. Untersuchung des FKKS
11/1996 Forschungsschwerpunkt
Konflikt-und Kooperationsstrukturen in Osteuropa an der Universität Mannheim
[18]
Dictionnaire des inégalités scolaires p.205
[19]
Bourdieu, Pierre: Les hérititers 1964
[20]
Boudon, Raymond, Charles-Henri Cuin, Massot Alain: L´axiomatique de l´inégalité
des chances , p.59
[21]
Bourdieu /Passeron: l´héritier
[22]
Boudon et al :Axiomatique p.11
[23]
idem p.25
[24]
idem p.142 Le paradoxe Anderson signifie maintien sinon plus renforcement de
l´inégalité des chances, augmentation de chômeurs diplomés,contraintes
structurelles d´insertion socio-professionnelles.
[25]
Duru-Bellat,Henriot-Van Zanten 1992 ,Mingat Coulon 1993 ouverture de la boîte noire
[26]
Duru-Bellat,Mingat Coulon 1993
[27]
Duru-Bellat,Henriot-Van Zanten 1992 p.62
[28]
Dubet François: Les lycéens 1991 p.21
[29]
D´après Kherroubi M., Grospion M-F: Métier de l´instituteur et enfant-client
in: Henriot-Van Zanten 1993 p.77
[30]
Charlot et al 1992 p.78
[31]
Boudon Raymond:L´axiomatique p.31
[32]
Dubet François:Faits d´école p.18 et 25
[33]
Dubet François:Faits d´école p.15
[34] Seip Lennart:die Schwierigkeit als
Außenstehender in den Schulalltag zu gelangen in: Strauß Adam(Hsg)
„Zigeunerbilder“ in Schule und Unterricht. Juin 2008.
[35]
Krause Mareile a écrit sa thèse de doctorat sur la destruction de la culture
des roms et sintes à travers
l´institution scolaire. La dissertation porte le tire révélateur
:Verfolgung durch Erziehung.Eine Untersuchung über die jahrhundertelang
Kontinuität staatlicher Maßnahmen im Diesnte der Vernichtung kultureller
Identität von Roma und Sinti. 1988
[36]
Engbring-Romang travaille dans le domaine de l´antitsiganisme et soutient le travail des associations Roma
et Sintès dans le Land Hessen (Villes:Marbourg, Francfort)
[37]
Thellier Elsa, Konaré Bintily: Les camps du sud de la France de 1938 à
aujourd´hui . Master2 Histoire du droit des étrangers Université Pierre Mendès France à
Grenoble.p.5
[38]
Gruev Radislav:discrimination et camp de Rivesaltes(1941-1942) exclure,gérer,s´en
débarrasser p.15
[39]
Indépendant du 31.mai 2005 „quel désastre“
[40]
Le point du 30 octobre 2008 „Saint-jacques trois ans après”
[41]
Projet d´animation globale-centre social saint-jacques 2006-2009 p.21
[42]
Remarque de Stéphane Henri in:projet .p
.22 mémoire de maîtrise en sociologie.
[43]
Tarrius alain:fin de siècle incertaine à Perpignan 1999
[44]
dans le décrochage scolaire on peut y
voir une forme de discrimination
[45]
“ on a plus adapté l´école que normalisé les gitans” écrit la Fédération Nationale des Francas (cf.ci-dessous)
[46]
il s ´agit bien ici des opinions du
monde enseignant concernant les attitudes des parents gitans.Les parents gitans
n´ont pas encore pris “la parole”.
[47]
La préscolarisation comme médiation culturelle:Fédération nationale des
Francas/Lares Recherche-action
[48]
Réfléxion faite par un directeur de lycée professionnel lors de la présentation
du film à Montpellier(4 mars 2009).Film qui traite de la scoalrisation des
enfants Gitans à Perpignan .
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